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Précarité énergétique et santé : un colloque et une étude nationale

En 2013, la Fondation Abbé Pierre organisait à Paris un colloque national sur l'impact de la précarité énergétique sur la santé. Les actes sont parus en mai 2015.

Depuis plus de deux ans, le CREAI-ORS Languedoc Roussillon et le GEFOSAT ont enquêté sur les liens entre précarité énergétique et santé, dans l'Hérault puis dans le Douaisis. C'est grâce à leur implication et à partir de leur travail que l'enquête nationale a pu voir le jour.

À partir des deux enquêtes de terrain qui ont concerné 362 logements et 750 personnes (dont 516 adultes), une analyse conjointe des données recueillies sur les deux sites a été menée par Bernard Ledesert, médecin et directeur des études CREAI-ORS Languedoc Roussillon. Cette dernière, financée également par la Fondation Abbé Pierre, était notamment présentée au Conseil Economique Social et Environnemental, à Paris, fin 2013.

 

3 questions à Bernard Ledesert, auteur de l'étude nationale sur les liens entre précarité énergetique et santé 


86, 3 % des adultes que vous avez rencontrés ont bien voulu participer à l'enquête. Est-ce à dire que chacun est sensible au fait que le logement peut rendre malade ?

Oui, les personnes en difficulté savent très bien trouver les mots pour exprimer ce qu'elles vivent et sont conscientes de l'impact de leurs conditions de vie sur leur santé. Elles savent décrire comment le logement les rend malades. Les pathologies sont nombreuses et plus ou moins aiguës (bronchite chronique, arthrose, rhumatisme, anxiété, dépression, migraines, rhumes, grippes, gastro...) et les symptômes plus ou moins fréquents mais toutes les personnes exposées à la précarité énergétique souffrent dans leur logement et en sont conscientes. Et globalement, nos études montrent qu'elles ont raison : les personnes qui vivent dans des logements mal chauffés, mal isolés, mal ventilés sont plus gravement malades que les autres et/ou plus souvent malades que les autres.

Ce qui est important également, c'est que malgré les différences entre les territoires, malgré la disparité de l'état de santé des personnes selon l'endroit où elles vivent, j'ai été frappé de voir le nombre de points communs entre les deux études. L'impact de la précarité énergétique sur la santé des personnes n'est donc pas une vue de l'esprit ! 

Quelle est la prochaine étape de votre démarche afin que ces résultats puissent influencer les politiques publiques ?

La prochaine étape, toujours en lien avec le GEFOSAT, c'est de mettre en évidence les liens entre précarité énergétique et consommation de soins. Si nous voulons effectivement faire bouger les collectivité publiques, il faut des éléments économiques tangibles, à l'instar des études qui sont réalisées en Angleterre et que David Ormandy, professeur à l'Université de Warwik, nous a présentées à l'occasion du colloque. Il faut se pencher sur le coût des soins et donc le mesurer pour qualifier plus précisemment l'impact de la précarité énergétique en terme de santé. Nous avons d'ores et déjà des contacts avec les Caisses d'assurance maladie en Languedoc Roussillon...

En tant que médecin, vous diriez que vivre dans de bonnes conditions de logement, c'est vivre en meilleure santé ?

Pas seulement. Le logement ne se résume pas uniquement à quatre murs. Nous passons plus de la moitié de notre vie dans notre logement et ce dernier n'est pas uniquement déterminant sur notre santé. Le logement impacte notre façon de nous insérer dans la vie professionnelle, dans la vie sociale. Si l'on vit mal dans son logement, on souffre et on se renferme. Cela a des conséquences directes sur notre insertion dans la société. Il faut vraiment prendre le problème du mal-logement dans sa globalité et se pencher sur toutes les déclinaisons qu'il implique, sur toutes ses conséquences humaines, sociales et économiques. Précarité et santé, insertion, épanouissement personnel... tout est lié. Seule une vision globale, au-delà de la santé, peut nous permettre d'être efficace.