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« Les Cuistots Migrateurs » : une recette 100 % solidaire

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C’est au moment du 1er confinement que l’entreprise d’économie sociale et solidaire « Les Cuistots Migrateurs » a fait appel à la Fondation pour mettre en place en urgence un service de restauration destiné aux plus fragiles. Distribution aux familles vulnérables, aux étudiants, aux travailleurs montreuillois du foyer des Sorins, à deux autres foyers de travailleurs migrants et aux personnes accueillies à la Boutique Solidarité de Gagny… en quelques semaines, une véritable chaîne solidaire s’est constituée afin de lutter contre la malnutrition de centaines d’habitants, dont une grande majorité de personnes mal logées.

Grâce à ce partenariat exemplaire et en lien avec une autre structure, l’association « Le Chainon Manquant », plus de 150 de ces 400 repas individuels sont également distribués quotidiennement de Paris à Nanterre, plus spécifiquement pour les étudiants et les jeunes de ces territoires. Et cela depuis près de deux mois chaque semaine, du mardi au samedi, à l’heure du déjeuner.


« Chaque jour dans nos cuisines nous préparons sous forme de plateau-repas, un plat de 450 grammes correspondant à 600 calories et un dessert. Les plats sont végétariens pour que tout le monde puisse manger et éviter le gaspillage. Nous faisons aussi très attention aux allergènes. Nous respectons bien sûr la chaîne du froid avec un transport en camion frigorifique. Nous proposons des repas équilibrés, 100% maison, cuisinés selon les recettes authentiques et familiales de nos chefs. Nous retrouvons par exemple un dhal de lentilles corail du Bangladesh, un mafé de légumes du Sénégal ou encore un sauté de légumes atakilt wat d’Ethiopie. Nous n’avons pas changé notre chaîne d’approvisionnement, nous travaillons avec des fournisseurs professionnels qui nous proposent des produits locaux et de qualité », précise Sibille Descateaux, chef de projet aide alimentaire aux Cuistots Migrateurs.

Compte tenu des mesures sanitaires, 13 cuisiniers professionnels travaillent au laboratoire de production à mi-temps et tiennent la cadence qui pourrait à temps plein atteindre jusqu’à 1000 repas/jour. « Nous espérons pouvoir pérenniser notre action et continuer à lutter contre la malnutrition. Les besoins sont vraiment là et nous avons la capacité d’agir », ajoute Sibille.

Initialement prévue pour répondre à l’urgence, l’aide alimentaire s’est révélée doublement vertueuse : en répondant aux besoins vitaux d’une population en grande difficulté, elle a également permis à l’équipe des « Cuistots Migrateurs » de continuer à travailler, pour cette entreprise qui, depuis sa création en 2016, emploie en cuisine et en CDI des réfugiés ayant obtenu le droit d’asile. Ici, en effet, on ne se contente pas de mettre en valeur toutes les cuisines du monde, on veut aussi changer le regard porté sur les migrants en favorisant leur insertion.


« La cuisine, c'est un moment de convivialité universel, une porte ouverte sur l'altérité… C'est en partant de ce constat que les 2 co-fondateurs ont créé l'entreprise et ont décidé d'utiliser la cuisine comme  levier pour changer le regard sur les réfugiés et les aider à se reconstruire à travers l’emploi. Aujourd’hui nous embauchons 13 cuisiniers en CDI, tous sont réfugiés iraniens, syriens, népalais, sénégalais, bangladais, afghans », complète Sibille.


Aujourd’hui, le doyen de l’équipe de production, chef de cuisine, a 36 ans et le plus jeune, mineur isolé quand il a rejoint l’équipe en tant qu’apprenti, a été embauché comme commis à ses 18 ans. « On sait tous ici ce que la précarité veut dire, on est passé par là », souligne Rashid (ci-dessus sur la photo) , le chef de cuisine iranien qui a débuté comme commis aux « Cuistots Migrateurs » en 2016.

Rashid a aujourd’hui un logement et vit à Paris avec sa femme et ses deux enfants. Sous ses ordres en cuisine, une équipe polyglotte composée de presque 10 nationalités :

« La cuisine, c’est une histoire de famille pour moi ! Depuis que j’ai 7 ans, j’aime la faire. Cuisiner avec des personnes qui viennent de tous les pays, ce n’est pas toujours facile, mais avec le dialogue et des astuces pour se comprendre, on y arrive et on apprend beaucoup sur les traditions de chacun, son mode de vie. Quand je suis arrivé en France, je ne savais pas parler français, comme beaucoup de ceux qui sont dans mon équipe. Être sans ressources, mal-logé, on sait ce que ça veut dire. En préparant ces 400 repas chaque jour, on est contents de nourrir ceux qui en ont besoin, mais on veut aussi donner de l’espoir, montrer qu’on peut s’en sortir et avoir une vie normale, comme les autres. Si chacun aide à son niveau, on peut changer les choses. C’est ce que l’on essaye de faire en cuisine, ici. »