Présentation nationale du 20e Rapport sur l'État du Mal-Logement.
Ce mardi 3 février, la Fondation Abbé Pierre présente son rapport 2015 sur l'État du Mal-Logement en France, à la porte de Versailles, à Paris.

Les formes d’exclusion les plus graves se sont développées, comme le montre l’augmentation de près de 50 % du nombre de personnes sans domicile fixe depuis 2001, et la dégradation du contexte économique et social depuis 2008 n’a fait qu’aggraver la situation.
Face à ce constat, l’intervention publique est-elle aujourd’hui adaptée pour répondre aux difficultés des personnes défavorisées ?
Malgré d’importantes dispositions adoptées depuis 2007 (Dalo, « Logement d’abord », SIAO...), le problème de l’accès au logement est loin d’être réglé.
La période actuelle est marquée par le repli sur des formes de « non-logement » et par une détérioration très grave des conditions de vie des ménages (hébergement chez de tiers, squat, bidonvilles, surpeuplement, habitat indigne...).
Certaines situations émergent de façon plus massive, comme les familles avec enfants qui se retrouvent sans domicile : à l’hiver 2013-2014, elles ont déposé 174 000 demandes au 115 (soit 23 000 de plus qu’à l’hiver précédent).
Dans un contexte de réduction des dépenses publiques, la tentation est grande de resserrer toujours plus les critères d’éligibilité aux aides, de restreindre encore davantage la cible des populations visées par les différents dispositifs.
« On me balade. Quand je travaille, on me dit que je dépasse les plafonds et quand je ne travaille pas, on me dit qu’il me faut un emploi. »
Mais cette stratégie apparaît de bien « courte vue » : les situations de fragilité qui n’obtiennent aucune réponse de la part des pouvoirs publics finissent par s’aggraver, leurs conséquences de plus en plus lourdes (dans le domaine de la santé, de la scolarité, de l’exclusion sociale...) et les coûts toujours plus élevés pour la collectivité, qui paie finalement au prix fort son insuffisante mobilisation en amont.
Il est impératif aujourd’hui de dégager un principe d’action commun capable de redonner du sens à l’action publique dans ce domaine.
Faire converger les interventions qui favorisent l’accès au logement, atteindre l’objectif du « Logement d’abord » et faire le choix d’une gouvernance locale sont les clés d’une ambition mobilisatrice et d’un pilotage plus cohérent.
Le logement ne doit plus être considéré comme la fin d’un parcours d’insertion vertueux, mais bien comme le support du retour à l’autonomie et à la reconstruction de soi.
De vraies tentatives d’améliorer le sort des mal-logés, parfois avec un relatif succès, ont alterné avec des périodes de désintérêt pour la question. Mais les blocages (crise du logement sous-estimée, politiques sociales du logement freinées par la rigueur, politiques du logement qui accompagnent le marché, politique territoriale défaillante) analysés dans le chapitre 4 de ce rapport 2015 ont régulièrement fait obstacle aux tentatives de réformes.
Pour les lever, la France a besoin d’un minimum de consensus entre tous les acteurs sur le diagnostic de la crise du logement, basé sur des données incontestables.
Les quelques avancées de l’année sont bien réelles et présentées dans ce rapport, mais elles sont la plupart du temps le résultat de démarches initiées en début de mandat, avant 2014. C’est pourquoi la mise en œuvre des multiples dispositions de la loi Alur est un impératif, pour que les chantiers ouverts se poursuivent rapidement. Mais la préservation des avancées de début de mandat ne sera pas suffisante.
Les déconvenues de 2014 doivent nous tenir en alerte et la Fondation Abbé Pierre restera vigilante.
Remettre le cap politique sur les ambitions du début de quinquennat devrait s’accompagner d’une ouverture du débat sur les marges de manœuvre financières qui sont indispensables à leur mise en œuvre.
Pour financer des logements réellement sociaux, pour capter des logements privés, pour sortir les ménages modestes de la précarité énergétique en rénovant leur logement, pour prévenir les expulsions et offrir une garantie universelle contre les impayés, pour accompagner les grands précaires et pour tant d’autres actions qui ne sont pas menées faute de ressources, la question des moyens budgétaires n’est pas la seule en jeu mais est incontournable.
Espère-t-on vraiment faire mieux avec moins, alors que le nombre de personnes sans domicile a explosé entre 2001 et 2012, que tous les indicateurs sociaux sont au rouge et que les dispositifs d’accès au logement sont toujours plus engorgés ?
Nous avons perdu trop de temps à revenir sur des avancées débattues parfois depuis des années. Ces retours en arrière découragent les acteurs et rendent le cap gouvernemental illisible.
L’année 2015 ne peut pas être à nouveau une année blanche pour l’action publique, sous peine d’être une nouvelle année noire pour les ménages en difficulté de logement.
Pour télécharger le rapport 2015, cliquez ici