Expulsions locatives : des politiques publiques de plus en plus répressives
Alors que la trêve hivernale débute aujourd’hui, 19 023 ménages ont été expulsés en 2023.
Le nombre d’expulsions avec le concours de la force publique n’a jamais été aussi élevé :
En 2023, 19 023 ménages ont été expulsés, soit une hausse de 17 % par rapport à 2022 et de 150 % sur ces vingt dernières années. La Fondation Abbé Pierre redoute une année 2024 plus dramatique encore.
Ces records d’expulsions, après deux années d’accalmie liées à la crise sanitaire, sont les conséquences d’une absence de réponse politique face à la crise du logement et d’un durcissement des procédures.
Ils s’expliquent notamment par une pénurie de logements sociaux, une hausse généralisée des loyers, une précarisation croissante des ménages, une politique publique de prévention des expulsions très insuffisante et, de surcroît, par une sévérité accrue des préfectures vis-à-vis des expulsions locatives.
M. W., 48 ans, vit depuis 14 ans dans un logement de 28 m2, dans la Somme. Depuis un an et 9 mois, il vit avec « la peur au ventre » d’être expulsé.
« C’est l’enfer, je ne tiens qu’avec des somnifères et des anxiolytiques… Cela fait 14 ans que je suis locataire dans le parc social de ma ville. J’ai eu à un moment des difficultés à payer mon loyer, il y avait eu une forte augmentation des charges, et en plus j’avais eu des soucis professionnels. Mais, à partir du moment où j’ai été reconnu diabétique, j’ai pu toucher l’AAH et j’ai repris les paiements. Pourtant, mon bailleur avait immédiatement lancé une procédure de contentieux et j’ai rapidement reçu un avis de passage de l’huissier. Depuis, c’est le stress permanent. »
Conseillé par les bénévoles de la plateforme « Allô Prévention Expulsion » de la Fondation. Abbé Pierre, M. W. a en effet poursuivi le paiement de ses loyers et commencé à apurer sa dette de 300 euros.
« La plateforme m’a apporté de bons conseils pour mes démarches, pour solliciter l’aide juridictionnelle. Surtout, les personnes bénévoles m’ont souvent remonté le moral et m’ont permis de garder espoir. C’est un vrai cauchemar d’imaginer se faire expulser du jour au lendemain, une fois la trêve terminée… et tout ça pour une dette de 300 euros que je veux rembourser ! Je suis dégoûté et veux changer de ville… Je n’ai nulle part où aller, sinon je serais parti depuis longtemps.
Heureusement, pour l’instant, la CAF ne m’a pas supprimé mes APL car j’ai tout de suite prouvé que j’avais repris le paiement de mon loyer, si cette allocation m’avait été supprimée, je crois que là, j’aurais atteint le point de non-retour. J’ai l’impression d’être harcelé alors que je suis de bonne foi et que j’ai fait tout ce qu’il fallait pour montrer que ma situation était revenue à la normale. »
Le 25 octobre, M.W a été convoqué au Tribunal avec son avocate. Il espère que le juge statuera en sa faveur et acceptera l’échéancier de la dette afin que la procédure d’expulsion soit suspendue. Enfin.