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Femmes SDF / le Local prend l'air

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Article rédigé par Gaëlle TREHIOU

La Fondation Abbé Pierre AURA a apporté un soutien via le Fonds Urgence COVID à l’accueil de jour du Local des Femmes visant à reprendre attache avec les femmes sans domicile, fortement éprouvées durant le confinement, via un accueil hors les murs et convivial.

Les éléments de contexte et les constats partagés

Durant la période de confinement, l’association Femmes SDF a suspendu certaines de ses activités et notamment les temps d’accueils collectifs au Local des femmes.

Depuis le 18 Mai, l’équipe a travaillé sur une relance progressive des accueils collectifs, avec cependant des modalités d’accueil contraintes par la situation sanitaire : accueils collectifs restreints, limitation du nombre de femmes, impossibilité d’accueillir les enfants, douches et chambre inaccessibles et suspension des repas collectifs.

La réouverture de l’accueil de jour, en tant qu’espace créateur de lien social, a permis de pouvoir reprendre contact « physiquement » avec certaines femmes et ce dans un cadre apaisé et individualisé en raison de l’accueil limité en nombre. Cet accueil presque personnalisé a aussi pu permettre de créer ou de consolider le lien avec des femmes marginalisées et dont l’accueil et l’écoute demande du temps et de la disponibilité. La reprise de lien a également été l’occasion d’échanges avec les femmes autour de la période de confinement et de déconfinement, et permis des retours sur les vécus et ressentis individuels, leurs souhaits, leurs besoins.

Pour autant, ces modalités d’ouverture n’étaient pas satisfaisantes pour l’équipe professionnelle car elles ne permettaient pas l’inconditionnalité et la convivialité de l’accueil, principes au cœur de notre projet associatif :

  • Fonctionnement par inscription et/ou invitation peu adapté à l’accueil de nouvelles femmes et de femmes très marginalisées
  • Limitation du nombre faisant obstacle aux passages « à l’improviste » et poussant à refuser l’entrée à des personnes
  • Impossibilité d’accueillir les femmes avec enfants.
  • Accueils très statiques et peu dynamisants du fait de la limitation des déplacements à l’intérieur ou de la suspension de certaines activités comme la cuisine.

L’équipe professionnelle a eu à cœur, malgré ces contraintes, de recréer petit à petit les conditions de convivialité et d’inconditionnalité, qui comptent parmi les fondements de l’association et sont indispensables pour des femmes très précaires, en errance, et ayant connu un isolement renforcé pendant le confinement.

Le projet et ses objectifs

Face à la volonté de retrouver l’inconditionnalité de l’accueil, l’équipe a pensé un projet pouvant permettre de reprendre les repas collectifs du lundi mais sous une forme « Hors-les-Murs ».

Les objectifs de ce projet étaient bien d’accueillir de manière plus large les femmes qui le souhaitent, sans la limite du nombre, des enfants, et avec plus de souplesse d’un point de vue sanitaire que dans un espace clos et exigu.

Cet accueil était également pensé comme étant l’occasion de permanences intégrées (infirmière du PoPS, logement d’abord, Salto, caravane des droits etc..) pour soutenir l’accès aux droits des personnes.

Cet accueil « Hors-les-Murs » a donc eu lieu tous les Lundis, jour habituellement dédié au repas collectif au Local des femmes, sous les arbres du Parc Paul Mistral qui se trouve en face de nos locaux, autour d’un pique-nique préparé au Local le lundi matin avec un groupe de sept femmes.

Une demande d’autorisation d’utilisation de l’espace public a dû être faite à la mairie, dans un 1er temps jusqu’à fin août, puis au vu de la réussite de ces accueils hors les murs, une nouvelle demande a été fait pour poursuivre jusqu’à fin septembre.

En amont, et pour rendre ces temps agréables, confortables et ludiques, nous avons procédé à l’achat de matériel (aide financière de la FAP à destination de ces achats) : nattes et oreillers de camping, tables pliantes, vaisselles en plastique réutilisables, thermos, caisse de transport etc… Une remorque à vélo a été récupérée et aménagée afin de transporter l’ensemble du matériel sur place et de symboliser le point de ralliement.

Que disent les chiffres ?

Depuis le 27 Juillet, il y a donc eu 10 Lundis : 7 Lundis pique-nique et 3 lundis d’accueil au Local à cause de la météo.

Une trentaine de personnes ont été accueillies chaque lundi.

Le public rencontré sur ces temps paraît semblable au public accueilli lors des temps d’accueil au Local : Femmes en situation de précarité et d’errance, femmes avec enfants en situation administrative complexe, femmes à la rue ou hébergées en structure d’accueil d’urgence via le 115 et aussi des femmes « historiquement » connues du local et présentes régulièrement sur les accueils.

Nous avons également eu la présence de partenaires extérieurs pour favoriser l’accès aux droits et au logement des personnes : Une assistante sociale du SALTO et une travailleuse sociale du Logement d’Abord sont chacune venues deux lundis. Leur présence sur ces temps en dehors du Local a été appréciée. Elles ont pu prendre des temps individuels avec certaines femmes pour les informer sur leurs droits ou même les accompagner dans des démarches.

Une bibliothécaire avec laquelle l’association travaille habituellement est également venue deux lundis. Dans un premier temps, elle a pu ainsi reprendre contact avec les femmes et les enfants présents, les informer des modalités d’accès aux bibliothèques et des possibilités d’achat de livres grâce aux « Chèques Lire ». Puis, elle a accompagné des familles en librairie, pour que les enfants puissent choisir un livre.

Une Kinésithérapeute, qui avait en amont pris contact avec l’association pour proposer bénévolement des ateliers, a pu venir sur deux lundis pour rencontrer les femmes présentes, partager un café et proposer un temps de « Gym Douce » en plein air.

La présence de professionnelles extérieures sur ces temps de pique-nique a été appréciée « Des invitées différentes à chaque fois, agréables moments. ». Outre les problématiques d’accès aux droits et les démarches effectuées par nos partenaires sur ces temps, leur présence a aussi été un vecteur de lien social et de partage d’instants du quotidien : « C’est un lien avec d’autres personnes que l’équipe ». 10 Lundis, 220 Passages, 82 Personnes accueillies
Dont 63 Femmes, 19 Enfants, Et 14 Nouvelles Femmes, 4 Partenaires extérieurs

Que peut-on en dire ?

Au-delà du nombre de femmes présentes sur ces lundis, nous avons pu remarquer que ce projet a relancé une dynamique partagée entre les femmes accueillies et l’équipe, autour d’un projet commun et de son organisation : « Tout le monde met la main à la pâte ».

Les Lundis Pique-Nique ont ainsi permis de retrouver la participation et la valorisation des femmes par le biais de la construction commune des menus, des courses alimentaires, de la préparation et du service du repas. L’équipe ne s’est jamais retrouvée seule à installer ou désinstaller le pique-nique, les femmes présentes participant volontiers à la « manutention », chacune pouvant ainsi apporter un peu d’elle dans ce quelque chose destiné à toutes.

Cette présence Hors-Les-Murs nous a aussi permis d’occuper un temps l’espace public, peut-être de contribuer modestement à se le ré-approprier en tant que femmes et à donner de la visibilité à l’association et au public accueilli. Parfois, des passants pouvaient s’arrêter et demander l’objet de notre présence, et certaines femmes ont pu être amenées à parler du projet associatif. Cette visibilité peut contribuer, à l’échelle de ce projet, à un des axes de l’association qui est de changer le regard de la société sur les femmes en situation d’errance et de précarité.

Nous avons donc pu accueillir à nouveau des femmes avec enfants, et aussi rencontrer de nouvelles femmes lors de ces lundis hors les murs, pour la plupart orientées par des partenaires (115, centre départemental de santé…) pour trouver un accueil et un soutien. Ces nouvelles femmes ont pu échanger avec l’équipe sur l’association, ce qu’elles peuvent y trouver, sur leurs besoins, et ont pu en fonction être orientées vers d’autres structures partenaires.

L’accueil Hors-les-Murs s’est avéré être apaisant et doux, certaines femmes nous rejoignaient aussi pour un temps de sieste à l’ombre des arbres : « Tu sais où on s’croirait ? A Thaiti ! Ou sur la Côte d’Azur ! ». Ces moments ont aussi permis un lien différent et plus apaisé avec certaines femmes dont l’accueil en collectif et en espace clos peut parfois s’avérer plus complexe.

En accueillant un plus grand nombre de femmes, nous avons pu trouver du mouvement et du collectif, des petits groupes de discussions se sont formés et certaines ont pu faire des activités (jeux, décoration, cartes) ensemble : « Il y a plus de monde, c’est convivial ».

Si ce projet a pallié à l’absence des repas collectifs et permis de s’extraire un temps des contraintes strictes d’accueil en intérieur, il a de surcroit aidé à retrouver du dynamisme, du mouvement et de la convivialité. Il a amené à prendre l’air, à retrouver du collectif, de la légèreté et des rencontres : « Ça nous a rapproché, mis plus à l’aise ». Il a peut-être permis de retrouver un petit peu « le goût d’avant ».

Et maintenant ?

Ces Pique-Nique du lundi tels qu’ils sont pensés initialement prennent fin en ce mois de Septembre. Ce projet a été pensé pour pallier aux contraintes sanitaires liées à un accueil en intérieur. Au bout du compte, il nous a permis d’expérimenter une autre manière d’accueillir, et le bilan que nous en faisons est très positif : convivialité et inconditionnalité retrouvées, participation des femmes retrouvées, formule « en plein air » très adaptée pour l’accueil des enfants mais également pour l’accueil de femmes très marginalisées pour qui la sensation d’enfermement et de collectif peut être compliquée à vivre.

De même, les retours des femmes sur ces temps d’accueil en plein air sont très positifs. « C'est une très bonne chose, il y à du monde, on se retrouve » ; « On devrait continuer ».

L'équipe de préparation cuisine fait également un bon retour : « Cuisiner sans stress et pour les autres, c'est GE-NIAL », « on ne peut pas être toutes ensembles, alors préparer pour toutes les autres, c'est bien ».

Au final, cette formule d’accueils ayant plu au public accueilli et à l’équipe, nous pensons la renouveler à l’avenir pour les périodes d’été.

Au-delà de ces pique-niques, le point très positif est la dynamique qui a émergé avec cette équipe de bénévoles paires. Il est important pour nous de ne pas la laisser retomber, de l’entretenir et de l’accompagner. Une réunion a eu lieu début octobre avec ce groupe pour envisager la suite. La situation liée au COVID 19 ne nous permet toujours pas de pouvoir remettre en place les repas collectifs du Lundi en intérieur ; c’est pourquoi ces femmes continueront de venir tous les lundis matin pour préparer des goûters/collations pour les 3 accueils de la semaine.