Fraternité : échange entre Laurent Desmard et Daniel Knoll
Regards croisés en ce jour anniversaire de la naissance de l’abbé Pierre.
Le 23 mars 2018, vers 19 heures, les pompiers découvrent Mireille Knoll, 85 ans, sur son lit, le corps lacéré de onze coups de couteau. 5 départs de feu sont constatés dans son appartement Hlm, situé dans le XIe arrondissement de Paris. Des milliers de personnes ont suivi la marche blanche organisée quelques jours après ce meurtre odieux qui a bouleversé tous les Français.
Daniel Knoll, le fils cadet de Mireille, a rencontré Laurent Desmard, Président de la Fondation Abbé Pierre, le 12 juin dernier, au dîner de gala organisé au profit de la Fondation Abbé Pierre par la Mission Coteaux, Maisons et caves de Champagne, dans le cadre de son évènement annuel, le « Séjour des Réconciliations » présidé par Pierre-Emmanuel Taittinger. En quelques heures, une amitié est née.
"Tout est possible"
Daniel Knoll : « Où va notre monde ? C’est la question que l’on peut se poser devant tant de violence, tant de haine. L’Europe est devenue égoïste, le soutien aux personnes âgées n’existe plus. Et pourtant, il y a ce paradoxe incroyable : des gens partagent et d’autres ne font que prendre… »
Laurent Desmard : « Je ressens, moi aussi, l’abandon du respect du plus faible dans nos familles… et pourtant, l’honneur du plus fort réside dans l’attention qu’il porte au plus faible. Mais aujourd’hui, je constate que les gens n’ont plus les moyens - ne serait-ce que chez eux où ils ont de moins en moins d’espace car les loyers sont de plus en plus lourds - et chacun se coupe des autres. Notre monde moderne isole les êtres humains. La vie sépare et les liens se fragilisent. Et l’exercice de la fraternité est de plus en plus difficile ! »
Daniel Knoll : « Je pense que nous avons quelque chose à réapprendre ensemble. Même si je n’arrive toujours pas à comprendre, malgré la douleur, je continue de parler avec mon cœur. Je n’aurais jamais imaginé recevoir autant de témoignages de fraternité.
Après le meurtre de ma mère, je n’étais pas en capacité de réagir. Il y a eu un véritable déluge médiatique, des témoignages reçus du monde entier… Aujourd’hui encore, je reçois des demandes d’interview des Etats-Unis, d’Allemagne. En Italie, au fronton de la Mairie, un portrait de ma mère est affiché tout l’été. Et j’ai reçu dernièrement un message d’une Américaine qui vient de prénommer sa fille, Mireille, en mémoire de ma mère !
Au-delà de la douleur, des horreurs que l’on peut vivre, de tous ces actes odieux, qu’ils soient terroristes ou antisémites, il y a des actes et des témoignages fraternels extraordinaires.
Comme ma mère, j’ai beaucoup voyagé et cela m’a énormément ouvert l’esprit. Combien de fois un inconnu m’a ouvert sa porte ? Invité à partager un repas ? Ma mère ne pouvait presque plus marcher, mais elle tenait toujours sa porte ouverte pour rester en lien avec les autres. Les voyages m’ont beaucoup appris sur les relations humaines et je suis convaincu qu’elles nous enrichissent. »
Laurent Desmard : « Ces actes fraternels, il faut les réapprendre au quotidien. Je les remarque aussi dans notre société, lorsque des citoyens anonymes accueillent des migrants dans les villes, lorsque l’on aide la personne qui est dans la rue, en bas de chez soi… »
Daniel Knoll : « Oui, je crois en l’être humain. Je crois en la vie. Ma vie a changé aujourd’hui, comme celle de mon frère, de nos enfants et de nos petits-enfants. Nous avons renoué des liens, repris contact avec des personnes dont nous nous étions éloignés. J’ai découvert des cousinages inconnus… J’ai appris une chose : tout existe, tout est possible. »