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« Lucie Coutaz m’a agrandi le cœur »

Emmanuelle Bercot, comédienne et réalisatrice, incarne le rôle de Lucie Coutaz dans « L’abbé Pierre, une vie de combats ». C’est son premier film historique et son premier biopic.

« Quand Frédéric Tellier m’a appelée pour me dire qu’il avait un rôle à me proposer dans ce biopic, je ne voyais pas du tout de quel rôle il s’agissait. Je connaissais un peu l’abbé Pierre, comme tout le monde, mais n’avais jamais entendu parler de Lucie Coutaz. Ce personnage a été une révélation pour moi et avant même de lire le scénario, j’ai accepté tout de suite. »

À la différence de Benjamin Lavernhe qui a eu à sa disposition de nombreuses archives, Emmanuelle Bercot a eu très peu de documents sur lesquels s’appuyer pour découvrir la vie de Lucie Coutaz.

« J’ai eu à ma disposition une quinzaine de photos pour imaginer le personnage, ainsi qu’une vidéo d’environ deux heures, prise à l’insu de Lucie Coutaz, peu avant sa mort. Cette vidéo m’a été très utile, ainsi que les discussions que j’ai eues avec Laurent Desmard et Brigitte Marie, deux personnes qui ont eu la chance de la connaître quelques années.

À partir de cette matière, il m’a fallu remonter en arrière et l’imaginer jeune. J’ai été un peu déroutée au début, car elle m’apparaissait comme quelqu’un d’une extrême bonté, douce, bienveillante, très pieuse, avec un sens des autres hors du commun. Et en même temps, les Compagnons l’appelaient « La tour de contrôle », « le dragon » et l’abbé Pierre lui-même filait doux lorsqu’elle s’adressait à lui ! Elle avait indiscutablement une force physique et une autorité incontestable ; une main de fer dans un gant de velours. C’était un personnage complexe à cerner et je ne voulais pas la trahir, surtout pas la montrer sous le seul angle de l’autorité car elle avait été très blessée par un film paru dans les années 60, où seul son côté autoritaire avait été retenu. »

 

Au-delà de la fiction

« Je me suis beaucoup appuyée sur une phrase de l’abbé Pierre qu’il a dite en lui rendant hommage lors de ses obsèques, que je trouve très belle : « C’est une héroïne d’avoir vécu dans l’ombre alors qu’elle avait une âme de chef ». Cette phrase a été la matière première de mon personnage. C’est extraordinaire de voir qu’elle est restée toute sa vie à deux pas de l’abbé Pierre, mais toujours derrière lui. C’est ce que je trouve très beau et très émouvant dans leur duo, c’est qu’ils sont toujours restés très proches et qu’avec leurs différences, ils étaient très complémentaires. Le socle de leur duo, c’est la confiance. Une confiance totale.

Un des souvenirs qui m’a le plus marqué pendant ce tournage, c’est le moment où Lucie Coutaz raconte le massacre des maquisards pendant la guerre, à l’abbé Pierre. Quand j’ai joué cette scène très émouvante, ma voix m’a échappé. Je ne pouvais plus la contrôler, elle est devenue aigue. J’ai vraiment eu l’impression d’être dépassée et je me suis laissée emporter par le personnage.

Un autre moment très fort fut celui de la 1ere vente à la communauté de Neuilly-Plaisance. Il faisait très froid, on était très nombreux, tout le monde était en costume. J’ai vraiment eu l’impression d’y être, cela n’arrive pas souvent aux acteurs, même si c’est l’effet voulu sur le spectateur. Il y a eu à ce moment-là une ambiance bien au-delà de la fiction. Les personnages étaient réels, on a vécu la scène comme si nous étions à la première vente d’Emmaüs.

J’ai beaucoup appris dans ce film sur ce qu’est un héros. On les croit invincibles, avec une énergie toujours débordante. Mais non, l’abbé Pierre et Lucie Coutaz se sont battus, ont eu des périodes de doute et c’est tout cela aussi qui en fait des héros, en tout cas pour moi. Cela les rend tous les deux encore plus touchants, plus attachants.

Découvrir la personne de Lucie Coutaz puis jouer son personnage m’a beaucoup apporté ; elle m’a agrandi le cœur. On ne peut pas ne pas être touché humainement et intimement par cette femme.

Aujourd’hui, je pense souvent à elle, dans ma vie de tous les jours, alors qu’elle m’était inconnue il y a deux ans. Une des vertus de ce film, c’est de lui rendre hommage et de la mettre en lumière, elle qui a toujours vécu dans l’ombre. L’abbé Pierre n’était pas tout seul. Elle était là pour lui. Il était là pour elle. C’est un duo très fort et émouvant. »