Mal-logement en Hauts-de-France : mieux prévenir les expulsions
Cette année, la Fondation analyse les parcours d’expulsion locative.
En 2022, dans les Hauts-de-France, 11 150 ménages ont été assignés au tribunal pour une expulsion locative. Pour 2 000 ménages, la procédure est allée à son terme, avec autorisation par le Préfet de faire intervenir les forces de police. Il faut y ajouter ceux, nombreux, partis de leur logement avant.
Si le nombre d’assignations reste stable depuis 2015, celui des expulsions augmente de manière inquiétante (+ 32 % en 7 ans) et a atteint en 2022 un niveau inédit. L’évolution comparée des deux statistiques ne peut qu’interroger sur l’efficacité de la prévention des expulsions, notamment après passage au tribunal. Aux dispositions prises durant la crise sanitaire pour limiter les expulsions locatives succède une volonté affichée de « rattrapage », qui se concrétise par une intensification du rythme des expulsions.
Les perspectives pour les années à venir sont également alarmantes, alors qu’en 2022, 3 240 commandements de quitter les lieux ont été délivrés dans les Hauts-de-France et que 2 000 concours de la force publique ont été octroyés.
- Le contexte inflationniste et la précarisation croissante des ménages modestes ont des effets majeurs sur leur revenu disponible, qui se traduisent par un arbitrage impossible entre des dépenses toutes nécessaires, des privations et un risque de constitution de dettes locatives ou d’énergie.
- La tension sur le marché du logement renforce les difficultés d’accéder à un logement de qualité et abordable, de s’y maintenir ou de déménager pour répondre à l’évolution des parcours de vie des personnes.
- Les évolutions récentes du cadre légal sur les expulsions locatives restreignent les droits des locataires et criminalisent la précarité, rendant la citation de l’abbé Pierre toujours autant d’actualité : « Il ne faut pas faire la guerre aux pauvres mais à la pauvreté ».
Au vu de ce contexte, il est apparu nécessaire à la Fondation de revenir spécifiquement sur les parcours des personnes menacées d’expulsion et sur les réponses apportées, en se focalisant sur les procédures d’expulsion suite à des dettes locatives, qui représentent près de 95 % des motifs d’expulsion.
« Nous avons une vraie crainte sur l’augmentation des expulsions locatives ; nous participons à de nombreuses instances locales sur la prévention de ces expulsions et s’il y a des efforts qui sont menés et qu’il faut souligner, nous voyons cependant que les dispositifs sont toujours très complexes, qu’ils ne sont pas toujours opérants ou qu’ils sont parfois restrictifs : critères d’éligibilité limités, méconnaissance des démarches à engager par les personnes concernées, accompagnement juridique diversement développé selon les territoires, etc… », précise Isabelle Fourot, directrice régionale de la Fondation Abbé Pierre en Hauts-de-France.
L’objectif est donc d’apprécier la portée des dispositifs existants, de rendre compte des initiatives et des expériences intéressantes de prévention des expulsions tout en se plaçant d’abord du point de vue des personnes concernées, en s’intéressant à leurs parcours et à la manière dont elles ont vécu cette épreuve.
L’éclairage régional 2023 s’est concentré plus spécifiquement sur les départements du Nord et du Pas-de-Calais, qui représentent les deux tiers des procédures en cours dans les Hauts-de-France.
Outre les entretiens réalisés avec une vingtaine d’acteurs locaux impliqués dans la procédure d’expulsion ou dans sa prévention, une enquête sociologique a été confiée à la coopérative Sociotopie. Les sociologues ont rencontré treize habitants des Hauts-de-France menacés d’expulsion ou l’ayant été. Il s’agit majoritairement de personnes ayant été accompagnées et qui sont en cours de procédure d’expulsion ou en sont récemment sorties.
« Ces entretiens soulignent les conséquences de cette instabilité résidentielle sur la santé, les relations familiales et la vie sociale des personnes.
Les stratégies développées pour s’en sortir se heurtent à la méconnaissance des droits, à la tension du marché et à de nombreux préjugés qui limitent les alternatives possibles à l’expulsion », complète Isabelle Fourot.