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« Un homme de la rue, un artiste exceptionnel »

La plus grande vente des œuvres de l’artiste JABER a eu lieu hier, mardi 20 juin, à la Halle Saint Pierre. 57 770 euros ont été récoltés au profit de la Fondation Abbé Pierre.

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Entretien avec Bertrand Bellon, l’un des meilleurs amis de Jaber Al Mahjoub, dit JABER, qui l’a accueilli chez lui, dans le XXe arrondissement de Paris pendant dix ans, lui permettant de peindre et de travailler à son art chaque semaine, le mercredi.

« Je l’avais rencontré en 2011, lors du printemps arabe, pendant lequel j’avais organisé une exposition de peintres de Ménilmontant à Tunis, en soutien à une association d’artistes participant à ce printemps. J’ai découvert ce jour-là un artiste extraordinaire, à la générosité incroyable.

Il n’avait pas d’adresse à Paris, mais toujours une chambre où dormir. Tunisien, orphelin de père et de mère à 3 ans, il a fui son village où il était garçon de ferme, pour devenir garçon boulanger à Tunis, puis à Marseille et enfin, à Paris. Il a toujours dormi par terre et a toujours aimé la rue. »

JABER adorait Beaubourg ; c’était un saltimbanque, avec un bagoud incroyable. Il travaillait dès que la lumière apparaissait, vendait ses toiles dans la journée pour se nourrir. À la fin des années 70, Jean Dubuffet le découvre et reconnaît en lui un maître de l’art brut. C’est seulement à la fin des années 80 qu’il a été reconnu comme tel.

« L’essentiel des œuvres qui sont en vente à la Halle Saint Pierre proviennent de ma collection. Je les lui ai achetées quand il peignait chez moi. L’organisation de cette vente est la plus grande qui ait jamais existé.

JABER était mon ami, c’est un homme clé dans ma vie. Il avait son espace chez moi. Ces toiles, ces œuvres ne m’appartiennent pas, elles appartiennent à la collectivité. JABER n’avait pas de toit, il n’a jamais vécu à la rue, mais n’avait ni adresse ni domicile.

Avec cette constante de l'accès au logement dans la vie de mon ami, ce très grand artiste, j’ai tout de suite pensé à la Fondation Abbé Pierre. Vendre ses œuvres au profit des personnes mal logées, des personnes à la rue, cela a du sens. »