Vous êtes ici :

La procédure administrative d’évacuation forcée de l’article 38 de la loi DALO

Initialement, la procédure d’évacuation ou dite d’expulsion extrajudiciaire de l’article 38 de la loi DALO a été pensée de façon à permettre aux propriétaires (ou locataires) dont le domicile a été squatté une réintégration rapide, au vu du préjudice subi. La gravité de l’atteinte au droit de propriété couplé au droit au respect de la vie privée et familiale justifiait selon le juge cette exception qui prévaut pour tout type d’habitation : pas d’expulsion sans décision de justice, commandement de quitter les lieux et accord du concours de la force publique.  

Cependant, cette loi a été rapidement dénaturée de son origine par de multiples modifications. 

Cela a d’abord été par la loi d’accélération et de simplification de l’action publique(1) avec l’assouplissement des conditions d’engagement de cette procédure et l’extension de son champ d’intervention aux résidences secondaires voire occasionnelles. Une circulaire est venue en préciser l’application(2).  

La loi n°2023-668 du 27 juillet 2023 « visant à protéger les logements contre l’occupation illicite » est venue encore étendre les conditions d’application de la loi, l’éloignant de son objectif initial.  

En effet, désormais elle ne vise plus seulement les domiciles mais les locaux à usage d’habitation.  

On peut distinguer la procédure d’évacuation du domicile - qu’il constitue ou non la résidence principale d’autrui et la procédure d’évacuation du « local à usage d’habitation non constitutif du domicile d’autrui » s’agissant du délai d’exécution et des voies de recours. S’agissant des conditions et de la procédure, elles sont identiques. Elles ont été précisées par une circulaire venant modifier la précédente, en date du 2 mai 2024(3)

La notion de domicile  

La notion de « domicile », telle qu’entendue désormais au sens de la procédure de l’article 38 de la loi DALO, recoupe désormais : 

  • Une résidence principale 
  • Une résidence secondaire 
  • Une résidence occasionnelle  
  • Tout lieu où une personne, qu’elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quel que soit le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux  

Dit autrement, la procédure pourrait être engagée pour un bien qui constitue le domicile d’autrui alors qu’il n’est pas affecté à un usage d’habitation.  

La décision n°2023-853 DC du 26 juillet 2023 invite le juge à procéder à un contrôle de la qualification du domicile : « S’il est loisible au législateur de prévoir, à cet effet, que constitue notamment le domicile d’une personne un local d’habitation dans lequel se trouvent des biens meubles lui appartenant, la présence de tels meubles ne saurait, sans méconnaître le principe de nécessité des délits et des peines, permettre, à elle seule, de caractériser le délit de violation de domicile. Il appartiendra dès lors au juge d’apprécier si la présence de ces meubles permet de considérer que cette personne a le droit de s’y dire chez elle ». 

Un contrôle de proportionnalité obligatoire 

Dans une décision n°2023-1038 QPC du 24 mars 2023, le Conseil constitutionnel demande à la préfecture d’effectuer un examen de proportionnalité en prenant « en compte la situation personnelle ou familiale de l’occupant dont l’évacuation est demandée ». 

Dans tous les cas, les juridictions nationales sont tenues d’appliquer tant les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, de sorte qu’elles doivent vérifier que l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée et familiale des requérants est bien légitime et proportionnée.  

Le champ d’application  

Les personnes doivent s’être introduites et se maintenir dans le domicile d’autrui, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale, ou dans un local à usage d’habitation, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte

Il n’est pas possible d’utiliser cette procédure pour évacuer des locataires par exemple dont le bail aurait été résilié, car la condition d’introduction ne serait pas remplie, de personnes hébergées avec leur accord chez des tiers locataires, après le départ des lieux de ces derniers, ou encore de personnes hébergées à titre gratuit (parfois contre services : travaux, gardiennage…, et en réglant les charges). 

Les conditions nécessaires pour engager cette procédure  

Pour engager cette procédure administrative d’évacuation forcée, 3 conditions doivent être remplies : 

  • Dépôt de plainte par la personne dont le domicile est occupé (propriétaire, locataire), toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte de celle-ci, ou toute personne munie d’un droit d’occupation ou mandataire. 
  • Preuve qu’il s’agit du domicile du requérant (la preuve peut être délicate quand les documents se trouvent dans le logement occupé). Pour contrer cela, la loi du 27 juillet 2023 prévoit que « lorsque le propriétaire ne peut apporter la preuve de son droit en raison de l'occupation, le représentant de l'État dans le département sollicite, dans un délai de soixante-douze heures, l'administration fiscale pour établir ce droit ».  
  • Constat de l’occupation illicite par un officier de police judiciaire, un commissaire de justice ou un maire.  

Les pièces du dossier complet doivent ensuite être envoyées à la préfecture qui dispose d’un délai de 48h pour instruire la demande.  

Les délais de la procédure 

Les évacuations réalisées sur la base de l’article 38 ne bénéficient pas de la trêve hivernale.  

  • La procédure d’évacuation du domicile, qu’il constitue ou non la résidence principale d’autrui 

Une fois la demande instruite dans les 48h et si elle est recevable, le préfet prend un arrêté de mise en demeure de quitter les lieux.  

Il doit respecter plusieurs conditions cumulatives : 

  • Notifier son arrêté aux occupants,  
  • Le publier en mairie sous forme d’affichage  
  • Et le placarder sur les lieux. 

Il faut savoir que le préfet ne peut refuser la demande que si les conditions précitées ne sont pas remplies ou s’il existe un motif impérieux d’intérêt général.  

Une fois la mise en demeure communiquée, l’évacuation est donnée aux forces de l’ordre dans un délai de 24h minimum.  

  • La procédure d’évacuation du « local à usage d’habitation non constitutif du domicile d’autrui » 

Les modalités de communication de l’arrêté sont les mêmes que pour les arrêtés visant le domicile d’une personne.  

En revanche, une fois la mise en demeure effectuée, l’évacuation donnée aux forces de l’ordre ne peut être possible qu’après un délai de 7 jours minimum.  

Les voies de recours 

  • La procédure d’évacuation du domicile, qu’il constitue ou non la résidence principale d’autrui 

Il est possible de contester l’arrêté rendu mais le recours est non suspensif, c’est-à-dire que l’arrêté pourra être mis en application même si un recours est engagé.  

Etant donné que les délais sont courts, il est préférable, plutôt que d’opter pour un référé suspension (ou un référé mesures-utiles), d’engager un référé liberté, plus rapide, et qui permet à l’avocat.e d’envoyer une requête sommaire en référé-liberté en ajoutant des pièces au dossier ultérieurement.  

Il est alors nécessaire de rentrer rapidement en contact avec un.e avocat.e ou une association.  

  • La procédure d’évacuation du « local à usage d’habitation non constitutif du domicile d’autrui » 

Il est également possible de contester l’arrêté rendu pour cette procédure par le biais des procédures précitées, mais le plus adapté est le référé-suspension car le recours est ici suspensif, c’est-à-dire que la préfecture ne pourra pas mettre en œuvre l’évacuation tant que le juge ne se sera pas prononcé.  

Il est nécessaire d’entrer en contact rapidement avec un.e avocat.e ou une association car il doit de préférence être engagé dans le délai de 7 jours avant l’exécution possible de l’arrêté, délai qui reste très court. 

Les sanctions possibles parallèlement à cette procédure 

  • Lorsque le local constitue le domicile, qu’il constitue ou non sa résidence principale 

Parallèlement à la procédure d’évacuation, l’introduction à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte dans le domicile d’autrui, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale, ou un local à usage d’habitation peut être passible de sanction pénale, si le propriétaire poursuit l’occupant sur cette base.  

L’article 226-4 du Code pénal punit cette infraction de trois ans d’emprisonnement et de 45.000€ d’amende maximum.  

Le maintien dans le local à la suite de cette introduction est puni des mêmes peines.  

  • Lorsque le local habité est un « local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel non constitutif du domicile d’autrui » 

L’introduction à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte dans un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel est passible de deux ans d’emprisonnement et de 30.000€ d’amende maximum(4).  

Cette sanction est prévue par l’article 315-1 du Code pénal qui précise que le maintien dans le local à la suite de cette introduction est puni des mêmes peines.  


1 - Loi n°2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique 
2 - Circulaire du 22 janvier 2021 relative à la réforme de la procédure administrative d’évacuation forcée en cas de « squat » 
3 - Circulaire du 2 mai 2024 relative à la réforme de la procédure administrative d’évacuation forcée en cas de « squat » 
4 - Avant la loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, le Code pénal punissait cette infraction d’un an d’emprisonnement et de 15.000€ d’amende.