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Logement : sortir du handicap

En ce qui concerne le logement des personnes handicapées, la France peut mieux faire. Pour des milliers de personnes fragilisées physiquement ou psychiquement, vivre chez soi comme tout le monde reste une utopie.

Paraplégique à 18 ans après un accident de scooter, Sylvain a d’abord été hébergé chez l’une de ses sœurs. « J’y suis resté longtemps, je ne trouvais aucun logement adapté. Heureusement, elle habitait au rez-de-chaussée et j’étais assez musclé pour me débrouiller tout seul pour mes transferts, ça nous a permis de tenir. » Après des mois de recherche, Sylvain trouve un logement social adapté dans le centre de Tours. Adapté en théorie : « Je galérais tous les jours, ma douche était très étroite et c’était une prise de risque quotidienne pour me laver. Je faisais la cuisine à bout de bras, sans rien voir. Brancher une prise, tirer la chasse d’eau, c’était l’enfer pour tout. » Se battre au quotidien pour garder son autonomie, se battre aussi pour retrouver un travail alors que le diplôme de garde-forestier est devenu obsolète du jour au lendemain. « J’ai fait une formation d’horloger pour me requalifier, mais avec mon fauteuil, aucun atelier ne pouvait m’accueillir. J’ai commencé à perdre espoir… » Après une cure de désintoxication, Sylvain se voit proposer un logement pour personne à mobilité réduite au Phare, l’une des 4 Pensions de famille gérée par « Soliha Centre Val de Loire ».

« Mon logement a changé ma vie »

En juillet 2017, il s’installe à Fondettes, au premier étage de la Pension, où les 12 logements sont conçus pour accueillir des personnes à mobilité réduite. « J’ai une douche à l’italienne et une cuisine à mon niveau avec un plan de travail sous lequel je glisse mon fauteuil ; je peux circuler sans problème dans mes 23 m2. Je suis vraiment bien ! »

Sylvain ne connaissait pas les Pensions de famille avant que l’assistante sociale ne lui en parle. Au-delà de l’autonomie qu’il a vraiment trouvé ici, la vie collective participe à son épanouissement. « Il y a toujours quelqu’un à qui parler, qui vous donne un coup de main. Quand je suis arrivé, René m’a installé des phares de vélo sur mon fauteuil pour que je puisse être vu la nuit. » Et René ne s’est pas arrêté là. Depuis des mois, il se bat avec les hôtes de la Pension pour faire éclairer la rue et aménager l’abribus. « Imaginez-vous, on a tous ici des soucis de santé plus ou moins importants et on a le seul abribus de la ligne qui n’est pas aménagé. Je peux vous dire qu’on en a envoyé des courriers ! »

Pour atteindre le premier arrêt de bus adapté, il n’y a en effet ni trottoir ni éclairage. Mais Sylvain ne s’en plaint pas, c’est bien moins que ce qu’il a enduré avant et ici, il est indépendant.

« Si je n’avais pas eu cette place, c’est clair, c’était la rue. »

« Je ne pouvais pas être un poids pour mes copains ou ma famille. Au Phare, je préserve ma vie à l’extérieur, c’est vraiment important pour moi. Avec mon AAH, je paye le loyer et je peux m’offrir aussi mes sorties. »

Au Moulin, au Phare ou à La Bazoche, l’objectif est de rendre le logement social pleinement accessible afin d’assurer qualité de vie et autonomie aux locataires modestes, nombreux à percevoir l’AAH. Au-delà de la prise en compte du handicap dans le bâti et dans la vie collective, ces structures favorisent au quotidien l’ouverture sur l’extérieur, secteurs médical et médico-social compris. « C’est vraiment de cela dont notre société a besoin. Les personnes en situation de handicap représente 10 % de la population, elles ne doivent pas rester invisibles. Vivre ensemble avec nos différences, ne plus séparer le médico-social du droit commun sont les vrais enjeux d’aujourd’hui. Il faut augmenter l’offre de logements 100 % accessibles et apporter des réponses de proximité diversifiées. Il y a encore beaucoup de freins législatifs », note Coryne Husse, 1ère vice-présidente de l’Unapei, principal mouvement associatif d’accompagnement des personnes handicapées.