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Notre rêve s'est brisé".

Rupture conjugale, problème de santé, licenciement... le traumatisme de l'expulsion fait souvent suite à un drame survenu brutalement. En lien avec l'Agence Rhône-Alpes de la Fondation et en collaboration avec le journal Rue89 Lyon, des personnes ont bien voulu témoigner et évoquer ce basculement qui a bouleversé leur vie.

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Le jeudi 7 avril 2016, de 9h00 à 12h30, à l’Espace CAF de Lyon, l'Agence Rhône-Alpes de Fondation Abbé Pierre a présenté son 21ème rapport sur l’Etat du mal-logement en France avec un focus sur les expulsions locatives.

 

Saïd, 57 ans, est marié et père de 5 enfants, âgés de 9 à 23 ans. Il a perdu son emploi d’ouvrier dans une entreprise de collecte et recyclage de déchets, fers et métaux à la suite d’une maladie professionnelle.

« On a acheté parce qu’on voulait investir. A l’époque, on était en location et on a trouvé cet appartement. Avec un emprunt sur 15 ans, ça nous coûtait 780 euros par mois avec les charges. Ce n’était pas très cher et ça nous faisait un petit investissement.

Mais ça ne s’est pas passé comme on l’imaginait.

Trois ans après l’achat de l’appartement, j’ai commencé à avoir des vertiges. À force d’être exposé au bruit de la ferraille, je perdais mes oreilles.

J’ai les tympans complètement perforés. J’ai été opéré en décembre 2014 mais ça n’a rien donné. Le médecin de la sécu m’a mis un taux d’incapacité. Ils m’ont donné une rente et j’ai été licencié. C’est terrible parce que j’ai travaillé 25 ans pour cette entreprise quand même. Le bruit de la ferraille m’a fait perdre mes oreilles.

Depuis 2013 je suis au chômage. Mais il y a un autre problème : je me suis fait avoir quand j’ai contracté le crédit immobilier auprès de la banque. J’ai signé le contrat sans lire les détails et puis je l’ai rangé. Je n’ai pas regardé de près les conditions. Et voilà, je n’avais pas d’assurance en cas de chômage. Il y a des pièges quoi, et on s’est fait piégé !

Comme mon salaire était le revenu principal de la maison, je ne suis plus arrivé à payer le prêt. Tout s’est accumulé, le crédit immobilier, les charges, les factures. Tous les mois les factures, ça monte vite, ça s’accumule. C’est tellement vite fait.

L’argent passait dans le quotidien, pour les enfants surtout. On a passé vraiment des moments difficiles, on a galéré. On n’a pas l’habitude de ces problèmes, le jour où ça nous arrive on n’est pas préparé.

 

On n’avait pas d’autres choix que de vendre

En plus, notre copropriété est en plan de sauvegarde à cause des problèmes de dégradation du bâti de l’immeuble et le syndic a monté un projet de rénovation important (isolation des façades, rénovation des parties communes, mise aux normes de l’électricité…)

On croulait sous les dettes. Alors en 2013, le syndic a signalé notre situation à l’association chargée d’accompagner les copropriétaires en difficulté.

On s’est mis d’accord avec l’association : on n’avait pas d’autres choix que de vendre et de devenir à nouveau locataire. L’association nous a aidés à faire un dossier de surendettement, on a eu un délai de 2 ans avant de rembourser et on a mis en vente.

Pour trouver un autre logement, ça n’a pas été facile. On a d’abord fait un dossier avec notre ancien bailleur l’OPAC, et on a visité un appartement qu’ils nous ont proposé. C’était bien, on était content.

Mais finalement l’OPAC nous a refusé parce qu’ils ne voulaient pas prendre de risque. Parce qu’on était surendetté, ils ne voulaient pas nous louer en direct le logement.

Heureusement, l’association qui nous accompagne a accepté de se porter garant pour nous. On a déménagé fin juin 2015. Dans ce nouvel appartement, on est en partie soulagé. Car la priorité c’est de vendre, et après on pourra respirer un peu. Pas beaucoup, juste un peu.

 

Même avec la vente de l'appartement, on restera endetté

En 2014, on a eu un acheteur, on a même signé le compromis mais on n’a pas ou libérer les lieux, assez vite et il est parti.

On a eu aussi un deuxième acheteur au mois de juillet 2015. On avait pris rendez vous chez le notaire pour la rentrée de septembre. Cette fois on se disait : « C’est bon, puisqu’on a déménagé » et finalement il s’est sauvé. C’est tombé à l’eau.

L’agence immobilière qui gère la vente nous a dit qu’il y avait un nouvel acheteur mais on a un nouveau problème : cette fois il y a une fuite d’eau dans la colonne d’évacuation des eaux usées de l’immeuble. Comme l’acheteur a vu cette fameuse fuite, on ne sait pas si, lui aussi, il ne va pas disparaitre. On va voir.

Dans tous les cas, on est perdant. La vente nous revient net vendeur à 73 000 euros, on est loin de ce qu’on a payé au départ, puisqu’on avait acheté l’appartement à 100 000 euros.

Mais nous, bien sûr, on ne va rien toucher de cette vente, parce que la vente va payer une partie de nos dettes et du crédit. Heureusement, ça va couvrir quand même plus de la moitié de la dette.

On payera tout doucement le crédit qui restera. On n’a pas le choix.

Maintenant, ma femme fait maintenant des ménages, on commence à respirer un peu. Mais bon, le moratoire de deux ans de la Banque de France vient de finir. Maintenant que ma femme travaille et moi qui touche le chômage, on nous a proposé de payer un petit peu.

Donc, on rembourse un peu les dettes et on continue à payer les charges collectives, tant qu’on n’a pas vendu. Et puis bien sûr on a le nouveau loyer maintenant… ça nous fait environ 1 500 euros à sortir tous les mois. Entre là-bas et ici. C’est un peu délicat. On n’a vraiment pas eu de chances avec cet appartement.

 

Le nombre de ménages propriétaires en impayés de remboursement d’emprunts ou de charges est passé de 70 000 à 82 000 entre 2006 et 2013, soit une hausse de 17 %. Ce qui fait 352 000 personnes touchées par cette situation. (Données ENL 2012).

Le nombre de copropriétaires occupants résidant dans des copropriétés en difficulté atteint 1 123 000 personnes en France en 2016.