Plus de 30 000 personnes expulsées en 2017, combien cette année ?
En cette fin de trêve des expulsions locatives, la Fondation Abbé Pierre exige une action forte.
À quelques heures de la reprise des expulsions locatives, la Fondation Abbé Pierre fait un triste constat. 15 547 ménages – soit plus de 30 000 personnes – ont été expulsés avec le concours de la force publique en 2017 : un record historique. Avec une augmentation de 46 % en 10 ans, ce sont au total près de 300 000 personnes qui ont été effectivement expulsées manu militari au cours de cette décennie. Ces chiffres ne prennent pas en compte les milliers de ménages qui, intimidés par les procédures, sont partis sans attendre les forces de l’ordre. À partir du 1er avril, tous les ménages sous le coup d’une décision judiciaire d’expulsion (126 000 décisions par an, soit près de 300 000 personnes) sont à nouveau menacés de perdre leur logement.
Pour dénoncer cette situation inacceptable et présenter ses propositions, la Fondation a organisé ce matin une action coup de poing devant le ministère du Logement en déployant un paillason géant indiquant "Bienvenue dans la rue : la trêve hivernale menace 30 000 personnes d'expulsions à ceux qui le foulent."
Le combat de la Fondation Abbé Pierre : Accompagner les ménages menacés d'expulsion
Parmi les 14 200 ménages que la Fondation Abbé Pierre a conseillés et informés depuis dix ans grâce à sa plateforme « Allô prévention expulsion », 77 % étaient en impayés de loyers, 39 % avaient un emploi et plus de 30 % étaient des familles monoparentales (bilan téléchargeable ci-dessous). Derrière ces chiffres, c’est la précarisation croissante de la population et la hausse des coûts des logements que la Fondation met en évidence.
Malgré sa volonté de mieux prévenir les expulsions, à travers notamment le 2e plan qu’il met en œuvre, l’État n’est pas à la hauteur de la situation. L’utilisation effective de l’arsenal juridique en place, la mobilisation des acteurs, en particulier des préfets eux-mêmes, sur l’ensemble du territoire, le développement de l’accompagnement social et juridique en amont, associés à un effort budgétaire conséquent sont nécessaires pour que la volonté politique affichée se traduise enfin par une baisse des expulsions.
Une véritable prévention des expulsions est en effet incompatible avec l’austérité budgétaire de la politique du logement actuelle, qui se traduit aujourd’hui par des coupes massives sur les APL et le monde Hlm. La multiplication des expulsions entre en contradiction avec la politique du « Logement d’abord » affichée par le gouvernement. Reloger davantage de personnes à la rue ne suffit pas si, dans le même temps, les préfectures en délogent toujours plus.
Les propositions de la Fondation Abbé Pierre pour améliorer la prévention des expulsions
Il est essentiel, pour enrayer la hausse des expulsions, d’engager un plan d’urgence visant à prévenir les expulsions. Les éléments de connaissance actuels permettent dès maintenant d’identifier différents leviers politiques et financiers qui pourront avoir un impact réel et rapide.
- Impulser et financer l’ « Accompagnement aux Droits liés à l’Habitat » sur tous les territoires
- Doubler les aides au maintien du Fonds de Solidarité Logement (FSL)
- Tripler le fonds d’indemnisation des bailleurs en cas de refus d’accorder le concours de la force publique
- Enjoindre aux préfets de faire de la prévention des expulsions un axe prioritaire et leur donner les moyens d’agir
Ce plan d’urgence destiné à une véritable lutte contre les expulsions et leurs conséquences dramatiques implique donc a minima un effort financier nécessaire de 100 millions d’euros par an.
Parallèlement au plan d'urgence, il est nécéssaire de se donner les moyens d'une politique publique de prévention ajustée aux besoins et durable.
- Renforcer la connaissance et l'évaluation
- Renforcer la connaissance des trajectoires des personnes et définir des indicateurs fiables et pertinents permettant d’évaluer et d’orienter la politique publique dans ce domaine
- Evaluer les dispositifs et les aides de prévention pour améliorer leur fonctionnement et garantir leur effectivité
- Développer l'accompagnement, la procédure et les moyens
- Déployer l'« Accompagnement aux Droits liés à l’Habitat » sur l’ensemble des territoires
- Engager une réflexion sur la création d’un « statut transitoire » post résiliation du bail
- Développer les moyens financiers et humains du pôle national de prévention des expulsions