Je m'engage à employer le terme bidonville
Debut mai, le Collectif "25 ans de politiques coûteuses et inutiles d'expulsion des bidonvilles" auquel participe la Fondation Abbé Pierre, a envoyé un courrier aux 1 200 maires d'Ile-de-France pour la reconnaissance des bidonvilles.
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JE M’ENGAGE A EMPLOYER LE TERME « BIDONVILLE »
Ayant pris connaissance de la campagne « 25 ans de bidonvilles » et de l’appel des associations à la reconnaissance de l’existence de bidonvilles en Ile-de France,
Prenant acte de la réapparition des bidonvilles depuis 25 ans en Ile-de-France et souhaitant que l’action publique sur cette question s’inscrive dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et pour la résorption de l’habitat indigne,
Favorable à l’émergence d’une politique efficace, pragmatique et respectueuse de la dignité humaine,
Je m’engage à utiliser dans mes interventions publiques et mes écrits le terme bidonville pour désigner l’habitat précaire et informel en lieu et place des termes camp ou campement. Je m’engage àprescrire l’usage du terme bidonville dans les actes administratifs et délibérations de la commune / communauté d’agglomération.
C'est ce courrier qui a été envoyé aux maires et aux présidents d'agglomérations franciliens, dans le cadre de la campagne "25 ans de politiques coûteuses et inutiles d'expulsion des bidonvilles" lancée en janvier dernier.
Pour la Fondation Abbé Pierre, il est indispensable de nommer les choses convenablement : ce que les pouvoirs publics appellent des « campements illicites » sont des bidonvilles comme la France en a connus dans le passé.
Ces lieux de vie précaires de personnes elles-mêmes en précarité, ayant fabriqué sur des friches urbaines des habitations à partir de matériaux de récupération, correspondent en tous points à la définition des « bidonvilles » : des habitats de fortune sans accès à l’eau ni à l’assainissement, densément peuplés et au statut résidentiel non sécurisé.
Ces lieux de vie sont habités par des personnes, adultes et enfants, attachées à leur territoire, avec toutes les relations qui en découlent : travail, école, santé, voisins, amis, etc.
Les désigner comme des lieux provisoires et illicites n’aide pas à une prise en charge sereine de ces situations socialement très difficiles, ni par les structures de droit commun, ni par les associations.
Pour la Fondation ainsi que toutes les associations membres du Collectif qui travaillent depuis des années avec les populations vivant dans ces bidonvilles, la résorption des bidonvilles commence par la reconnaissance et l’acceptation de la réalité, c’est-à-dire de leur existence.
Reconnaître l’existence des bidonvilles inscrirait l’action publique dans la lutte contre la pauvreté et la résorption de l’habitat indigne, qui disposent d’instruments légaux bien plus constructifs en matière d’insertion que le recours systématique à la force publique lors des expulsions.
Dans les années 60 et 70, la France a su répondre à la situation des bidonvilles qui n’étaient pas mieux tolérés, en mettant en place une politique adaptée axée sur le relogement de ses habitants.
Il n’était pas question à l’époque d’expulsion de « campements », mais de résorption des bidonvilles qui s’accompagnait d’une volonté politique et de la construction d’outils adéquats.
Cette politique engagée a permis une disparition progressive des bidonvilles où vivaient alors près de 47 000 personnes rien qu’en Ile-de-France.
Aujourd’hui, on compte 19 000 personnes en France métropolitaine vivant en bidonvilles, dont 7 300 en Ile-de-France réparties sur 119 bidonvilles.
"Notre objectif commun ne peut être que la résorption des bidonvilles"
L'un des maires qui a reçu le courrier d'appel, nous a communiqué sa réponse. En voici l'essentiel :
... "Comme vous le savez, la ville d'IVry rencontre sur son territoire de ce type de situations et a toujours porté assistance à ces populations, par l'accès des enfants à la scolarisation, l'accès aux soins, à l'accompagnement social, par des aménagements de première nécessité sur ces lieux aux conditions de vie extrêment difficiles.
Lors de la Conférence régionale, bien décevante, qui s'est déroulée entre octobre 2015 et avril 2016, je n'ai eu de cesse de réclamer au Préfet de région l'abandon du terme "campement illicite" et l'utilisation du terme "bidonville", strictement conforme à la réalité.
Notre objectif commun ne peut être que la résorption des bidonvilles, comme je le réaffirme avec d'autres collectivité d'Ile-de-France.... ce sont ces exigences de justice et de solidarité que nous porterons collectivement."...
Philippe Bouyssou, Maire d'Ivry-sur-Seine.